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  • Photo du rédacteurThe Elephant In the Room

"J'ai d'abord eu peur avant de comprendre que ce n'était pas normal"


Il est important de préciser que cette histoire est arrivée lorsque j’avais diz ans (j’en ai presque vingt aujourd’hui), et que ma vision de la situation à l’époque n’était pas la même que maintenant. J’ai d’abord eu peur avant de comprendre, par la réaction des adultes auxquels j’en ai parlé, que ce n’était pas normal.


J’étais donc en CM2, et un garçon de mon école (on l’appellera Louis), qui avait le même âge que moi, m’a touchée à plusieurs reprises, sans que je sois d’accord, et malgré le fait que je dise non et que je cherche à l’éviter.


Je me souviens de quelques moments, et les souvenirs sont parfois flous, tels celui où, en arrivant à l’école, il m’attendait avec mes amis (qui n’étaient pas les siens). Il nous a rejoints, et en me disant bonjour, il passa sa main sur mon entrejambe, et il essaya de m’embrasser.


Une autre fois, je suis sortie de la classe en dernière, et il m’attendait sous un préau, où il n’y avait plus que lui et moi, et peut-être deux ou trois de ses amis. Il m’a plaquée contre un mur et s’est collé à moi très fort, pour me sentir contre lui. Ses mains ont dû se balader encore une fois sur mon corps, mais ce souvenir est flou.


Sous ce même préau, mais une autre fois, comme il était beaucoup plus grand et fort que moi, il a profité d’un jeu pour me plaquer au sol, se serrer et se frotter contre moi, mimer un acte sexuel, avec moi toujours écrasée sous son poids.


Je me souviens que d’autres enfants étaient là, dont des amis à moi, qui riaient, mais je crois que certains d’entre eux avaient un rire, nerveux, de malaise, plus qu’un vrai rire.


Un jour, et ce fut la dernière fois je crois, il a mangé à la même table que moi (je précise que nous n’étions pas du tout amis, et n’avions pas d’amis en commun). Il a dit qu’il viendrait me voir chez moi ce soir là, parce qu’il savait que mes parents n’étaient pas là tôt, et que je rentrais à pieds avec mon frère. Il savait où j’habitais, et il habitait à quelques rues de chez moi seulement. J’ai dit que je ne le laisserai pas entrer, il a répondu qu’il frapperait mon petit frère s’il fallait (il rigolait a ce moment là, mais j’ai eu peur), et il a dit que moi, il me violerait. Je ne me souviens pas qu’il ait dit le mot « violer », mais je crois qu’il a dit qu’il viendrait me « baiser », j’ai dit que je ne voulais pas, et il a répondu que peu importe, il le ferait quand même.


C’est cet événement qui m’a poussée à raconter tout ce qui s’était passé. Je me souviens vivement d’avoir eu peur qu’il mette ses menaces à exécutions. Quand je suis rentrée, je crois que mes parents ont demandé si j’avais passé une bonne journée, j’ai dit que je devais leur raconter quelque chose, et je me suis mise à pleurer.


J’ai alors pris conscience que ça, ses actions, n’étaient pas normales. Je m’en suis surtout rendue compte quand mes parents en ont parlé aux professeurs, qui en ont parlé avec moi et avec Louis, qui s’est d’ailleurs mis à pleurer.


Les profs lui ont dit que s’il recommençait, mes parents porteraient plainte, que c’était grave, et que « c’est son corps, ça lui appartient, c’est elle qui décide ». Puis il n’a plus eu le droit de m’approcher, ils ont instauré une sorte de distance de sécurité entre lui et moi.


Il avait conscience que ce qu’il faisait n’était pas normal, d’après ce qu’il a dit par la suite à un garçon de ma classe: « je ne peux plus m’amuser maintenant, parce que cette connasse leur a balancé ce que je lui faisais ». Je suis sûre de cette phrase, elle m’est toujours restée en tête.


Moi, je n’ai pris conscience de la situation qu’en grandissant. D’abord, il y a eu cette fois où mon père a évoqué cette histoire en qualifiant les faits « d’attouchements sexuels », et j’ai réalisé que ça n’était pas juste une histoire d’enfants à l’école. Jusque là, ça ne m’avait jamais vraiment traumatisée, et j’avais même un peu effacé ça de ma mémoire. Mais jusqu’à l’âge de 17 ans, j’ai continué de voir les rapports sexuels comme quelque chose de mal, et qui m’effrayait, peut-être que c’est lié, je ne sais pas.


Il y a moins d’un an, pendant l’été, j’ai été réveillée d’un coup après avoir revécu cette scène avec Louis en rêve, et c’est seulement à partir de là que j’ai commencé à en parler à des amis, et à mon copain. Ma plus grande peur était de ne pas être légitime pour en parler et pour parler d’agression, parce que c’était il y a dix ans et que nous n’étions que des enfants. Mais tous, et mon copain particulièrement, m’ont confortée dans le fait que j’étais légitime de le raconter, que chaque histoire est propre à chaque individu.


L'auteure de ce texte a souhaité rester anonyme



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