By Bérénice Jolly, Gabrielle Poughon, Océane Lang
Le soleil se couche à dix-huit heures et le temps des soirées interminables passées à siroter une tasse de thé emmitouflée sous son plaid préféré est venu. Un seul hic demeure : trouver le divertissement parfait pour réchauffer ces longues soirées d’hiver. Heureusement, nous sommes là pour vous avec une sélection des podcasts féministes préférés de la rédaction. Longs, courts, académiques ou un peu moins, il y en a pour tous les goûts, et vous trouverez là de quoi accompagner vos heures solitaires.
©Juliette Boissière
La Poudre
La Poudre, c’est un peu la cheffe de file incontournable du podcast féministe. Créée en 2016, l’émission en est aujourd’hui à son cent-deuxième épisode et fonctionne sur un principe simple : un épisode, un.e invité.e féministe. Le tout dans un cadre intimiste et bienveillant, où la journaliste prend le temps de découvrir l’histoire, la personnalité et parfois les fêlures de ses invité.e.s. Bercée par la voix chaude de Lauren Bastide, on se laisse transporter au gré des questions, parfois intimes, parfois politiques, et souvent les deux, adressées à la personne reçue. Même après plus de cent épisodes, l’émission ne tourne jamais en rond et se réinvente chaque année en s’attaquant à des sujets différents : éco-féminisme, femmes savantes, artistes, femmes politiques. La sixième saison, dédiée aux personnes qui ont pris la parole pour dénoncer des abus sexuels dans le sillage du mouvement #MeToo a d’ailleurs été inaugurée par un fabuleux épisode consacré à l’écrivaine et éditrice Vanessa Springora. Elle y revient sur son livre à succès, Le Consentement, mais aussi sur sa vie, l’accueil médiatique de son ouvrage, et l’impact que la dénonciation d’un événement si personnel au sein de l’espace public a eu. On conseille donc ce podcast, à consommer sans modération.
Qui est Miss Paddle ?
Porté par la journaliste Judith Duportail, Qui est Miss Paddle ? s’écoute comme on binge-watcherait une mini-série Netflix. Des épisodes courts et rythmés, une histoire prenante et inattendue, ce podcast réunit tous les ingrédients d’un divertissement dont on veut sucer la sève jusqu’à la dernière goutte. On y plonge à travers la figure de Miss Paddle, une de ces filles parfaites qu’on ne peut s’empêcher de stalker sur Instagram, et puis on en ressort en ayant appris des milliers de choses sur les relations toxiques, l’acceptation de soi et les mécanismes psychologiques d’emprise. Quand on commence ce petit bijou audio, on ne voit plus le temps filer, et on ne sait pas si on doit rire ou pleurer. Une chose est certaine : c’est excellent, et on en reprendrait bien un ou deux épisodes. À défaut, on peut se contenter de lire l’un des deux ouvrages de Judith Duportail, L’Amour sous Algorithme et Dating Fatigue, tous deux dédiés au dating et à ses inévitable travers quand on est une femme en 2020.
Vénus s’épilait-elle la chatte ?
Le titre fait d’emblée sourire. Et réfléchir, aussi. Finalement, il est assez représentatif de ce superbe podcast qui a pour ambition de « déconstruire l’histoire de l’art occidental, en proposant un point de vue féministe et inclusif ». Tout un programme, donc. Emmenées par la journaliste Julie Beauzac et son solide bagage en histoire de l’art, on s’interroge sur une multitude de choses : faut-il séparer l’homme de l’artiste (spoiler : non), pourquoi les musées sont-ils remplis de femmes nues à côté d’hommes habillés, pourquoi les grands génies de l’art sont-ils presque tous des hommes, pourquoi la représentation des personnes racisées est-elle toujours différente de celle des blancs dans l’art ? Le sujet est vaste, passionnant, et présenté par un prisme unique à la croisée de l’histoire des arts et des études féministes. Mention spéciale au dernier épisode intitulé “Picasso : séparer l’homme de l’artiste”, qui retrace la vie de ce grand génie qui était aussi un monstre de violence et de sexisme, bien qu’on le sache assez peu. Ce podcast est profond, nuancé, référencé avec soin, et ça fait beaucoup de bien.
Quoi de Meuf ?
Quoi de Meuf, ou QDM pour les intimes, c’est le podcast intersectionnel dédié à la pop culture et l’actu féministe du moment. On y retrouve une fine équipe de journalistes aux commandes : Clémentine Gallot, accompagnée tour à tour de ses acolytes Émeline Amétis, Anne-Laure Pineau, Pauline Verduzier (insérer le lien de l’article de son interview), ou encore Kaoutar Harchi. Présentée sous forme de conversation, cette émission a pour gros point fort d’alterner entre des épisodes courts dédiés à un objet culturel – ce qui vous permettra de ne rien rater des nouvelles sorties féministes du moment – et des épisodes plus longs qui décortiquent un thème au prisme féministe intersectionnel. Politique, musique, littérature, sociologie, pop culture et économie se mêlent entre les voix de journalistes pour nous présenter un merveilleux tableau de tout ce que le féminisme a de beau à présenter. C’est informatif, drôle, et nécessaire à l’arsenal culturel de toute féministe intersectionnelle chevronnée.
Les Couilles sur la Table
Et pourquoi pas un podcast féministe sur les masculinités ? Puristes de la non-mixité, abstenez-vous, ce podcast parle uniquement de l’autre moitié de l’humanité. Créée en 2017 par la journaliste Victoire Tuaillon, l’émission part des vécus et expériences des hommes pour parler de féminisme. Ce qui pourrait paraître paradoxal se révèle en réalité essentiel : comment vouloir des hommes déconstruits sans décortiquer cette même construction qui a fait d’eux des hommes, dans le sens le plus patriarcal du terme ? Sexualité, politique, paternité, alimentation, rapport au corps, tout passe au crible des discussions passionnantes entre la journaliste et ses invité.e.s. On y retrouve notamment Virginie Despentes, Titiou Lecoq, Maïa Mazaurette ou Paul B. Preciado. Du beau monde pour un rendu qualitatif auquel Victoire Tuaillon nous a désormais habituées. Pour entrer doucement en la matière, on vous conseille tout particulièrement l’épisode “Des chaussettes et des hommes” qui s’intéresse à la manière dont les hommes investissent leur espace domestique.
RomComment
RomComment, c’est un des petits nouveaux de la scène des podcasts féministes, et on l’adore déjà. Les deux journalistes Flore et Clara - qui sont aussi deux copines, pour notre plus grand plaisir - y analysent depuis 2019 la construction de nos comédies romantiques préférées, sous un prisme bien évidemment féministe et inclusif. Chaque épisode met en lumière un “Trop”, un mécanisme de création des schémas narratifs classiques de la pop culture. Grease, Twilight, L’Arnacoeur ou même Coup de foudre à Notting Hill y sont passés au crible sous la plume facétieuse des journalistes. Les épisodes, d’une bonne heure chacun au moins, sont l’occasion d’un moment de détente et de légèreté en compagnie de Flore et de Clara, qu’on finit par considérer nous-mêmes comme des copines. Si vous cherchez un podcast pas trop académique mais néanmoins informatif et joyeux, vous pouvez foncer les yeux fermés.
Rends l’argent
Ce podcast au doux nom de Rends l’argent, réalisé par Titou Lecoq et produit par le magazine en ligne Slate, s’intéresse aux enjeux financiers dans les couples hétérosexuels. Comment s’organise-t-on dans un couple pour régler les factures ? Faudrait-il mettre en place un “impôt féministe” ? Les femmes se font-elles arnaquer ? En huit épisodes d’une trentaine de minutes, il traite à chaque fois un aspect spécifique lié à la gestion de l’argent dans les couples, à commencer par le tabou qui entoure cette notion. Une approche très concrète, faite de témoignages d’individus concernés par la thématique abordée, est enrichie par des éclairages théoriques et sociologiques, qui viennent expliquer différents phénomènes. Pour approfondir le sujet, il y a l’ouvrage Le couple, l’amour et l’argent de Caroline Henchoz. Et si vous aimez le travail de Titiou Lecoq, vous pouvez lire son livre Libérées, qui traite des inégalités et du rôle des femmes dans la vie quotidienne.
Un podcast à soi
Chaque premier mercredi du mois, Charlotte Bienaimé propose une enquête approfondie sur un thème féministe. Grâce à des témoignages de tranches de vie et d’experts et une narration particulièrement bien écrite, Charlotte Bienaimé réussit à rendre accessibles et passionnants des sujets extrêmement diversifiés : du sexisme ordinaire au silence entourant l’inceste et la pédocriminalité, en passant par l’écoféminisme, les femmes en prison ou encore les luttes LGBT. Ce podcast produit par ARTE Radio permet de s’ouvrir à des enjeux qui sont parfois très éloignés de notre quotidien, comme la réalité des luttes féministes et LGBT en Tunisie, en prenant le temps de s’interroger et de découvrir des faits insoupçonnés.
Yess
Yesss est un podcast de warriors. Porté par Elsa Miské, Margaïd Quioc et Anaïs Bourdet, il met en lumière des portraits de femmes qui ont résisté et triomphé face au sexisme. Loin de susciter des injonctions à réagir d’une façon spécifique, Yesss déculpabilise les femmes qui ne se laissent pas faire. En donnant la parole à ces femmes pour permettre une prise de conscience collective de l’inacceptable, les autrices de ce podcast renversent la tendance et traitent le féminisme sous un angle qui peut être qualifié d’optimiste. Elles ne s’intéressent pas aux auteurs d’actes sexistes, mais valorisent celles qui y ont résisté tout en écoutant leur vécu et soulignant les difficultés que cela engendre. Au rythme d’un à deux épisodes par mois, ce podcast produit par La Podcast Factory fait la part belle à des histoires de femmes courageuses.
Le Coeur sur la Table
Après Les Couilles sur la table, qui questionne les masculinités, Le Coeur sur la table propose de réinventer nos liens amoureux, mais aussi amicaux et familiaux. Dans chaque épisode, Victoire Tuaillon nous guide à travers des témoignages d’expériences couplés à des éléments issus de la recherche sociologique ou psychologique, dans le but de remettre en question les dynamiques du genre. Les thèmes abordés tournent autour des rôles dans les relations, des déséquilibres qui en découlent, de la complexité de trouver sa place dans une société affectivement dysfonctionnelle. La discussion est ponctuée des réflexions personnelles de Victoire, d’interrogations auxquelles beaucoup d'individus font face, ce qui rend le podcast très riche et dense. Le format des épisodes peut être considéré comme nébuleux, car les témoignages et les contenus académiques s’enchaînent et s’entremêlent rapidement sur fond de musique énigmatique. Ce qui rend le podcast encore plus spécial sont les nombreux silences au cours des épisodes, qui rendent le contenu puissant, car ils laissent un temps de respiration au milieu de ce tumulte d’idées et ce vertige de possibilités. Chacun peut se reconnaître dans le Coeur sur la table, et c’est cela qui rend le podcast si poignant.
Kiffe ta race ( "Dig your race" )
Kiffe ta race, c’est le podcast qui a contribué à m’ouvrir les yeux. Sur des douleurs, des traumatismes dont moi je ne fais pas l’expérience mais qui sont implantés dans nos sociétés. La question des minorités, de la “race” y est abordée avec courage et sans détours. Ce podcast, animé par Rokhaya Diallo et Grace Ly, deux femmes concernées par les oppressions et discriminations qu’elles mettent en lumière, permet d’écouter, de dénoncer. D’amplifier les voix minoritaires dans le débat public, de les prendre en compte pour faire cesser ces violences intolérables. Dans chaque épisode, la discussion avec un ou une invitée est décomplexée et les questions de privilèges, de hiérarchies sont abordées sans gêne ou peur des tabous. Kiffe ta race un podcast parfait pour réfléchir à sa place dans la société et à toutes les facettes des rapports de force autour des questions raciales.
Illustrations par ©Juliette Boissière
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